Un jour d'automne [Terminé][Al-Far]

Ilkä avançait lentement dans la ruelle. Un pied devant l'autre, et elle recommençait.
Elle ne voyait plus grand chose, de par cette obscurité et ce ciel gris. Pour ce qu'elle entendait, le passage était complètement désert autour d'elle. Pas même un chat errant ne déambulait. Plutôt inquiétant pour cette fière dame. Quant aux bâtiments... des maisons, sans doute, salement amochées et par la pauvreté et par l'ombre régnante. Aucune porte n'était visible, à croire que les habitants entraient et sortaient par les fenêtres. *S'il est des habitants* songea-t-elle.
Elle finit par déboucher sur un cul-de-sac. Impossible de continuer normalement. Certes, en s'aidant des fenêtres, elle pourrait tenter de se hisser, non sans difficultés, jusqu'en haut du mur lui barrant le chemin, mais n'était-il pas trop élevé ? Elle était frontalière, pas marchombre ; et pas vraiment douée pour l'escalade.
Sifflant doucement entre ses dents, elle se retourna...
Et manqua de hurler. Elle n'était pas seule, elle le sentait. Pourtant elle ne voyait rien. Rêvait-elle ? ... Sans doute, mais pourquoi ressentir une autre présence ? *Et peut-être n'est-elle pas amicale* pensa Ilkä en frissonnant.
Elle tenta de se donner contenance, et réussit à dire de sa voix la plus calme possible :
- Il y a quelqu'un ? Montrez-vous, de grâce. Je ne saurais être dangereuse...
*... Mais vous l'êtes peut-être* ajouta-t-elle dans sa tête.

Elle avançait, toujours parmi les ombres. Devenant noir comme elles, aussi silencieuses. Cela faisait quelques minutes qu'elle avançait, la suivait, essayant de deviner ce qu'elle faisait ici, dans cette drôle de ruelle. Plus personne ne venait ici, même les voleurs, car la ruelle finissait en cul-de-sac. Elle s'immobilisa. Ilkä venait de s'arrêter devant la fin du ruelle. Enfin, elle allait peut-être savoir se qu'elle faisait dans cette partie d'Al-Far. Une pensé lui traversa l'esprit : et si elle était venu sans but précis, seulement pour déambuler. Si c'était le cas et que la femme la remarquerait elle pourrait s'en vouloir. Pour le prouver elle l'entendit dire :
-Il y a quelqu'un ? Montrez-vous, de grâce.
-Oh oh, murmura-t-elle doucement.
Elle s'avança, pensant qu'il était trop tard pour reculer. La frontalière savait déjà qu'il y avait quelqu'un.
-Bonjour, dit-elle, les mains bien en vue pour ne pas lui faire croire à de mauvaises intentions.

«hrp: désolé si cela a été long, pour mon malheur, je n'aie eu accès à l'ordi que moin d'une heure à Noël»

C'était une jeune fille, dont les mains vides qu'Ilkä voyait bien laissaient supposer qu'elle venait sans mauvaises intentions. Son salut était normal, voire amical. Peut-être que la Frontalière ne courait réellement aucun risque... quoiqu'il en soit, elle laissa sa main prête à faire jaillir sa dague, si nécessaire, mais espérait ne pas en arriver à ce stade.
- Bonjour, répéta-t-elle en guise de salutations.
Elle lui adressa un sourire confiant, afin de lui montrer qu'elle n'était pas méfiante... même si véritablement, ce n'était pas le cas.
- J'espère que je ne vous ai pas dérangée, continua-t-elle d'un ton poli et convaincu, je ne faisais que me promener. J'ignorais juste que je ne pourrais aller plus loin...
Le rire fusa dans sa gorge sans qu'elle ne cherche à le réprimer. *Rien de bien drôle* songea-t-elle *mais il est bon de se sentir bien parfois.* Elle reporta son attention sur la jeune fille, pour ne pas risquer une mauvaise surprise. La prudence est importante quand on est frontalier.

Ce n'est pas grave =) Du moment que tu trouves le temps de répondre quand tu le peux, ça me va !

Elle se détendit intérieurement. La frontalière n'avait pas fait tout cela pour la piéger. En tout cas, si on se fiait à ce qu'elle disait. Elle ne prendrait pas de chance.
-Non, vous ne me dérangiez pas, même que c'est moi qui devrait vous déranger, dit-elle sans aucunes traces d'émotions dans la voix.
Elle jeta un regard circulaire pour s'assurer que toutes deux étaient seules. Il n'y avait personne dans l'ombre la plus à droite. Une ombre créée par une maison abandonné depuis surement plusieurs décennies. Les vitres placardées dataient de longtemps. Tellement longtemps qu'il faudrait le refaire bientôt. Elles n'avaient plus la couleur brune du bois mais celle de planches moisis. Derrière la frontalière, il avait un mur aux briques aussi vieilles. Les prises qu'elles semblaient offrir à quiconque qui voudraient l'escalader s’effriterait surement à la seconde où on mettrait les mains dessus. Les ombres à gauche ne paraissaient pas abriter un visiteur indésirable. Seules les maisons où les vitres s'ouvraient vers l'extérieur pourraient abriter quelqu'un. Mais l'intérieur était comme l'extérieur; dans un état impitoyable. Mais pour l'entrée de la ruelle c'était une autre affaire.
Elle reporta son attention sur la femme devant elle.
-Je vous ai suivi, car je me demandais ce qu'une frontalière venait faire dans cette ruelle, une frontalière seule, reprit-elle. Suivit par un moment de silence.
-Il est vrai que la ruelle ne représente en rien un danger. C'est seulement quand on essaye de sortir qu'un gros problème arrive à l'horizon, dit-elle pour partir à rire en suite.

*Une curieuse* constata Ilkä *mais qui connaît bien les ruelles.* La preuve... c'est en souhaitant sortir que la jeune femme s'était laissée stopper. Encore que cette fille semblait être une bonne compagnie. Mais il faut toujours se méfier des apparences.
- Vous avez l'air de bien connaître les ruelles, mademoiselle... encore que vous me semblez très sympathique, je ne pense pas que vous soyez un gros problème...
Elle se mordit la lèvre. Manque de courtoisie, assurément. Ce n'était pas en se comportant ainsi qu'elle prouverait sa bonne volonté.
- Sans vouloir vous froisser... ajouta-t-elle.
Si elle n'avait pas tant d'honneur, pour sûr, elle aurait baissé la tête, ou à défaut les yeux. Mais elle était frontalière, et l'honneur était bien trop important pour qu'elle fasse le moindre de ces gestes. Elle se contenta de soutenir son regard en direction du visage de son interlocutrice. Celui-ci lui semblait normal, mais il y avait quelque chose. Elle n'aurait su dire quoi, mais la jeune fille n'était pas une quelconque adolescente, qui passait sa journée au soleil avec ses amies, s'extasiant sur des babioles scintillantes, et espérant quelque beau mariage avec quelque fils de quelque importante famille. Non, elle, elle n'avait pas peur de l'ombre.

Elle partit à rire quand elle entendit :
- Vous avez l'air de bien connaître les ruelles, mademoiselle... encore que vous me semblez très sympathique, je ne pense pas que vous soyez un gros problème...
Après quelque secondes prises pour reprendre son souffle, elle dit :
-Que vous êtes drôle, vous me nommez mademoiselle quand je le mérite pas du tout et... et...
Elle ne put terminer sa phrase; un nouveau fou rire la prit. Qui qu'était cette frontalière, elle avait le sens de l'humour, pensa-t-elle. Bien qu'elle ne fût pas sure que cela soit volontaire. Se reprenant, elle repensa à ce que la femme devant elle avait dit : je ne pense pas que vous soyez un gros problème... Elle savait parfaitement qu'elle n'était qu'apprentie mercenaire mais tout de même. C'était vexant de se faire dire que vous n'êtes pas un gros problème. Elle commençait à la trouver moins amusante maintenant. Beaucoup moins amusante.
-Je n'étais pas un problème pour vous, continua-t-elle d'un ton plus sec. Les bandits des bas fonds accaparent plein de ruelles comme celle-ci. Ces bandits de toutes sortes se posent à l'entrée de ruelles, attendent que des visiteurs passent et les attaquent ensuite. Cette ruelle est la cause de plusieurs combats entre bandits, car ils adorent celles qui finissent en cul-de-sac. Ils ont moins d'effort à faire pour attraper la personne qui a le malheur d'y entrer. Mais ils peuvent avoir plus de misère si celle-ci connaît le Passage...
-Mais je suis sure qu'ils ne seraient pas si déçus s'ils n'avaient pas une frontalière. Les frontaliers ne doivent pas transporter quoi que ce soit de couleur or..., dit-elle le sourire au visage.

Ilkä manquait de s'étrangler. Depuis quand la jeune fille savait-elle qu'elle était frontalière ? Elle ne l'avait pas mentionné, et, pour autant qu'elle le sache, elle ne portait pas de signes distinctifs. *Elle est plus maligne que je le pense* pensa-t-elle avec suspicion. Et puis la couleur or était-elle une simple coïncidence ou une véritable allusion ?
Son ton, brusquement plus froid, et plus sec, la mit également en alerte. *Oh, elle, décidément, elle a quelque chose... encore un peu et je finis un poignard dans le cœur...*
Mais ce qui l'inquiétait le plus, c'était sa manière d'accentuer son "n'étais pas". Un sous entendu, cela allait de soi. Une menace voilée, et finement placée. Elle avait touché son but, d'une certaine manière ; mais Ilkä n'avait pas l'intention de se laisser abattre par des mots. Seules les lames pouvaient la blesser... en théorie du moins.
- Pour ce qui est des bandits, voilà des années que je ne m'en soucie plus. Ce problème se règle épée au poing... Ou avec d'autres armes, mais la jeune fille devait avoir compris.
- Mais ainsi donc, selon vous, je suis une frontalière, c'est cela ? Très belle supposition... à moins que ce ne soit la vérité ? Oh, je ne jouerais pas à ça avec vous, vous avez totalement raison. Mais j'osais espérer passer inaperçu.
Même ton, toujours aussi courtois et un peu distant. Ilkä l'utilisait très souvent, assurément. Elle n'avait pas de mauvaises intentions ; pouvait-on le prouver mal, si on met ses secrets, voire sa vie entre les mains de son interlocuteur ?
- Mais qui êtes-vous donc pour me connaître aussi bien ?

Onórë, puisque tel était son nom, lui faisait de plus en plus peur. Elle était apprentie, apparemment. Ilkä n'osait pas lui demander à quelle guilde elle appartenait. Elle risquerait de le prendre mal, et alors...
- Ce n'est pas que je ne vous apprécie pas, expliqua-t-elle, c'est juste que je ne sais pas si je peux vous faire confiance. Comprenez-moi, Onórë : j'ai dans l'idée que vous seriez capable de me tuer avant que je ne m'en rende compte.
Le ton restait le même, mais cette fois, elle irait au bout de sa pensée. La jeune fille refusait qu'on la prenne avec des pincettes.
- En vous voyant vous mouvoir, je devine en vous une grâce féline, une technique parfaite de meurtre. Comprenez-vous que je ne me sente pas forcément à l'aise ?
Toute Frontalière d'Or qu'elle était, elle ne voulait pas essuyer un affrontement avec une femme aussi mystérieuse. Le genre qui vous réservait trop de surprises. Ilkä n'était pas surpuissante.

Avec un haussement de sourcil, elle s'assit. Comment une guerrière pouvait faire preuve de tant d'innocence après avoir vue la guerre ??? Et si elle la comprenait ??? Elle n'en était pas sure. Ne pas être à l'aise face à une personne dont elle ne savait rien ??? Le monde était rempli de situation comme celle-ci, la vie était faite d'incertitude. Elle ne savait pas si la femme savait à quelle guilde elle appartenait. C'était mieux comme ça.

Elle ne s'était pas assit pour se rendre vulnérable face à la frontalière. Non, et elle avait fait attention de ne pas s'assoir dans n'importe quoi. Elle ne voulait pas avoir une tache de boue sur sa cape. Elle s’était assise pour lui cacher se qu'elle faisait. Dans la ruelle sombre et à cette distance-là, la frontalière ne la verrait pas. Mais elle, elle avait cette dernière dans sa ligne de tir. Un genou relevé pour cacher ses mouvements, elle détacha son arbalète de sa ceinture. Tout doucement pour diminuer ses chances d'être entendu par la femme, elle arma et chargea son arme. Elle ne voulait pas nécessairement s'en servir, c'était plutôt une garantie.

-Vous croyez que je pourrais vous tuer sans que vous vous en rendez compte ??? Comment une telle chose pourrait arriver à une frontalière,dit-elle d'un ton sarcastique.

Le fait qu'Onórë s'assoit n'était pas pour plaire à Ilkä. Elle ne semblait pas comprendre ce qu'elle tentait de lui dire. Elle n'avait peut-être pas vécu avec d'autres frontaliers, ou si c'était le cas, ils étaient particulièrement doués.
Avec des gestes précis, elle s'écarta un peu. Elle ne voyait pas la jeune fille, et cela l'inquiétait. Qui savait ce qu'elle préparait ?
- Un frontalier est fait d'honneur. D'honneur et de fierté. Ces deux belles choses sauvent des vies, mais aveuglent les gens. Et un jour, ils meurent un poignard planté dans la gorge...
Elle eut un sourire, et positionna son pied juste sous sa main, discrètement. Une simple habitude défensive.
- Et je ne pense pas faire exception à la règle. Vous savez ce que je pense ? Vous êtes plus forte que vous ne le paraissez.
A dire vrai, elle n'en savait rien du tout, mais c'était courant dans la plupart des cas.

Un petit bruit étrange, et Ilkä se jeta sur le côté. Tout juste. Dans le mur, à l'emplacement où se trouvait l'ombre de sa main, un carreau noir et brillant était planté, enfoncé comme dans du beurre. La jeune femme jura tout bas. Là, plus de doutes possibles : Onórë était une combattante...
Elle sentit ses doigts qui la démangeaient, brûlant de l'envie de saisir sa dague. Elle refréna ce désir brusquement en serrant son poing. La jeune fille était hors de vue, cachée par l'obscurité. Et Ilkä n'y voyait rien. Elle n'osait s'enfoncer dans les ténèbres, de peur de finir la gorge tranchée sans s'être rendue compte de rien.
Mais... en restant dans la lumière, n'était elle pas une proie facile ?
- Ah ! c'est malin, souffla-t-elle pour elle-même.
Elle resta une seconde immobile, le poing fermé ; puis se décida à bouger. Elle s'éloigna un peu, histoire de réfléchir. Elle était bloquée ; la sortie était gardée par Onórë. Il fallait donc se battre ou mourir sans rien faire... Elle préférait largement la première solution.
Ilkä sortit doucement sa dague, avec attention. Elle n'avait pas le temps de prendre son épée. Et pourtant, elle s'étonnait qu'Onórë ne l'ait toujours pas attaquée de nouveau.
*Qu'est-ce qu'elle veut* songea-t-elle, *me faire peur ? me tuer quand je ne serais plus attentive ? Ilkä, bon sang, bouge toi, creuse ta petite cervelle...*
Elle décida de la jouer brave. Elle s'avança jusqu'à l'extrême limite de l'ombre. Son souffle s'était accéléré, son cœur tambourinait contre sa poitrine. Un seul carreau de l'apprentie, et elle n'était plus...
On peut dire que toi, tu sais t'y prendre, affirma-t-elle à Onórë.
Puis elle s'enfonça dans l'ombre...

Elle était aveugle. Elle ne savait pas où elle était, ni où était son adversaire. C'était inquiétant. Elle chercha à tâtons un mur, et finit par en trouver un, tout proche. Le noir, si complet... Elle s'adossa à la paroi froide, et en profita pour sortir son épée. L'autre lame, elle la rangea dans sa botte.
*J'aurais du garder mes stylets...* pensa-t-elle à regret.
L'obscurité lui faisait face, partout où elle promenait son regard. Ilkä ferma les yeux. Autant se concentrer sur ses autres sens.
Au bout d'une minute, elle perçut la présence d'Onórë, sa chaleur était toute proche. Elle redressa son épée.

Elle l'avait ratée. Maintenant elle le savait. La démarche assuré de la frontalière le démontrait, ce n'était pas la démarche d'une personne qui vient de recevoir une flèche, non. C'était celle d'une personne qui sait qu'elle va combattre, que le danger est proche ; la démarche d'une proie. Sa proie.
Elle était effectivement proche de la femme. Mais pas à sa hauteur. Onore avait pris la chance de grimper jusqu'à une fenêtre, une fenêtre au dessus de son ennemie. En fait, elle ne savait pas qu’elle irait se positionner là. Cela lui déplaisait énormément même, car elle avait plutôt prévu de lui retirer dessus, cette fois bien sûr sans la rater. Mais non, elle devrait se battre corps à corps. Et en plus la frontalière venait de sortir son épée. °L'amusement a commencé, autant la continuer.° Pensa-t-elle, un sourire en coin. Elle s'avança sur le rebord de la fenêtre. Le bois sous ses pieds n'était pas solide, mais pouvait tenir son poids encore quelques minutes. Juste le temps qu'il lui fallait. Onore sortit sans bruit deux dagues longues de plus d'une main. Leurs lames étaient acérées mais recouvert d'aucun poison. Elle trouvait cela bien trop dangereux pour elle-même, une légère blessure et c'est elle qui y passerait. Sans plus y repenser, elle se jeta sur elle. Une dague pour parer toute éventuelle défense et une autre vers son flan.

Elle vit une mèche de cheveux tombés, ses cheveux. La frontalière l'avait manqué de peu. La frontalière avait paré son attaque. Elle y avait pensé, mais pas qu'elle attaquerait. Onore aurait plutôt pensé que la femme aurait reculé, redoutant une autre attaque. Non, elle avait préférer l'attaque à la défense. Elle ferma les yeux, car ces derniers ne lui servaient à rien. On ne voit pas dans le noir même pour elle qui avait passé sa vie dans l'ombre. Reculant de quelque pas, elle pensa à comment l'attaquer ; elle devait rester dans l'ombre pour avoir l'avantage. Elle se déplaça donc pour avoir la clarté dans le dos, mais être toujours dans l'ombre. Elle adorait le combat, sentir cette énergie la parcourir, avoir la mort tout près ; sentir son souffle dans son dos et la défier de la prendre. Elle affrontait le danger pour s'amuser mais aussi pour jouer avec ELLE. Elle savait qu'un jour elle perdrait, tout le monde perd. °Mais ce n'est pas aujourd'hui° Pensa-t-elle. Elle avança, sentant la chaleur de la frontalière toute proche. Onore remonta son bras doit pour se protéger en cas de coup si elle aussi l'avait sentit et effectua un coup de taille avec sa main gauche.

Ce combat l'énervait de plus en plus. L'ombre était l'avantage d'Onórë. *Promis, si je m'en sors, j'apprendrais à voir dans le noir* décida-t-elle, confiante. Elle s'en sortirait.
Elle sentit que sa lame battait le vide. Onórë s'était déplacée. Il était tout simplement inconcevable que celle-ci se soit enfuie. Pas après l'avoir attaquée. Pas sans avoir l'avantage. *A moins que je l'ai blessée ?* se demanda Ilkä sans trop y croire.
Tout un coup, elle sentit la dague d'Onórë qui effleurait sa jambe. Attaque trop rapide pour qu'elle s'en sorte indemne. Par reflexe, elle leva le pied et poussa la lame de côté. Mais déjà celle-ci s'éloignait.
Énervant que tout cela. Ilkä se sentait impuissante. Elle devait trouver une solution. Son épée fendit l'air mais ne rencontra rien. *Je suis à sa merci* songea-t-elle. *Je peux la battre à l'épée, j'ai plus d'expérience qu'elle. Mais pas dans son élément.*
Finalement, elle comprit que ce n'était pas en venant la chercher qu'elle pourrait l'avoir. Le dos rasant le mur, l'épée bien en moins fauchant le vide alentour, elle avançait prudemment jusqu'à la lumière.
Ses yeux eurent un léger temps d'adaptation. Eblouie, elle ferma un instant les yeux, puis les rouvrit avec plaisir sur un monde sombre, mais déjà plus lumineux. Son monde.
Tant pis pour l'arbalète.
Elle s'installa dans un coin, légèrement protégée des carreaux par quelques boîtes trainantes. Avec un sourire en coin, elle annonça :
- A toi de voir la suite, Mademoiselle. Tu viens ou on s'arrête là. Je ne joue plus dans les ténèbres. Ma vie, c'est l'entre-deux.

Elle eut un petit sourire.
- Enchantée de te l'entendre dire. Je ne sais pas si je peux en dire autant...
Ilkä observait son adversaire avec curiosité.
- Peut-être que même ici, tu aurais le dessus. Je n'en sais trop rien. Et à vrai dire, je ne le souhaite pas vraiment. Ça t'ennuierait autant que moi, pas vrai, de mourir maintenant ?
Quelle curieuse jeune fille, tout de même... mais la Frontalière se posait toujours une question. Une question qui risquait de demeurer sans réponse, si elle ne la posait pas maintenant.
- Pourquoi m'as-tu attaquée, en fait ?


Désolée pour cette absence =S

Elle était abasourdie. Un simple amusement ?
Elle était aussi énervée. Que valait la vie pour cette fille ? A l'écouter, on croirait presque le soin d'une lame était plus important qu'une existence... son existence, même.
Ilkä se battait pour l'honneur. Onórë semblait plutôt le faire sur des coups de tête. C'était ce qui la rendait dangereuse.
- Bon sang ! s'écria-t-elle en maîtrisant sa colère. Tu es jeune, et en plus, tu n'as aucune considération pour autrui ! Tu te fous complètement de moi, tu n'attends que mon départ, et tu iras t'amuser avec quelqu'un d'autre. Tu as la cruauté d'un mercenaire du chaos, ma parole, ça m'étonnerait même pas que tu en sois une ! La vie n'est pas un jeu, et je n'ai pas le temps de me battre avec toutes les filles que je rencontre juste parce que je me promène dans les ruelles peu fréquentées. J'ai d'autres choses à faire.
Elle se demandait comment son chef aurait réagi si il l'avait vue balancer sa réplique assassine avec froideur, après avoir contrôlé sa fureur. Soit il l'aurait félicitée pour avoir enfin réussi à maîtriser ses accès de colère, soit il l'aurait méprisée pour s'être arrêtée discuter avec une jeune fille qui se fichait d'elle, parce que son sens de l'honneur était trop important. *Ou les deux* songea-t-elle.