Flanneries du Crépuscule...

Marchant dans les petites rues d'Al-Vor, Lanfear avait tendance à s'ennuyer. Il fallait la comprendre, elle n'avait rien à faire pendant quelques jours, mais n'avait pas non plus trop le temps d'aller voir ailleurs. En conséquence de quoi elle était bloqué dans cette toute petite ville, qui ne lui servait à rien. En cette fin d'après-midi, elle avait regardé les étalages, peut-être y aurait-il eu quelque chose qui l'aurait intéressée, mais non. Désespérant... Tout comme la population qui s'entrechoquait autour d'elle...

Elle s'approcha d'une demeure au toit légèrement pentu, et grimpa le long du mur, avant de s'installer confortablement le dos contre une avancée de cheminée. Elle avait plutôt bien choisie sa place, le soleil se couchait sur sa droite, et il illuminait à sa gauche une silhouette qui s'approchait... Elle n'était donc pas seule sur les toits. Ce qui aurait pu la déranger, ça aurait été que cette silhouette appartinsse à un marchombre, mais elle n'en avait pas l'air, c'était déjà ça de gagné. La silhouette continuant de s'approcher, elle lança quand même un "Bonsoir", plutôt par réflexe envers la paix qu'elle ressentait en ce moment-là, que par une quelconque politesse...


[Navrée de ne pas l'avoir posté hier, mais mon ordi refusait de me laisser le temps de l'écrire avant de poster...]

Lanfear laissa passer sans dire un mot l'éclat, sinon de la voix du moins du ton selon elle. Elle n'avait jamais prêté attention à ceux qui avaient tendance à hausser le ton, mais là elle était plutôt bien et n'avait pas du tout envie de bouger de sa cheminée.

"C'est parfois bien distrayant de faire que l'on te dit de faire, suffit juste d'avoir choisit celui qui ordonne, et si jamais c'est pas le cas, il est si simple d'en changer...
La beauté de la mort arrive avec promptitude si tu sais l'appeler, et elle emporte la laideur humaine avec elle, la beauté mortelle demeure elle, et elle n'est pas humaine, elle..."
Un rire aux sonorités argentines retentit, provenant de ses lèvres, cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait parlé ainsi, bien sur, cela restait possible qu'elle finisse par effrayer cette jeune fille, mais cela lui était presque indifférent. Le calme de cette soirée était presque bienfaisant.

Elle finit tout de même par se présenter, elle aurait aussi bien pu ne pas le faire, pour ce que ça lui importait, mais bon... Se relevant et secouant la longue jupe noire qui cachait sa tenue moulante de fin cuir, elle s'approcha jusqu'à être face à Monaenn :
"Certains m'appellent Lanfear, d'autres juste la Fille de la Nuit, et peu nombreux sont ceux qui connaissent mon visage et peuvent en parler. Un reflet émeraude brilla une seconde dans ses yeux, signe de son calme de l'heure et du souvenir du sang, du sang coulant d'êtres humains qui ne vivraient plus... Tu peux choisir l'un comme l'autre de ces noms, à ta guise."

À dire vrai, ce n'était pas vraiment qu'elle s'en moquait, mais c'en était pas loin. Elle fit quelques pas et s'étira de nouveau, presque comme un chat au réveil. Avec un petit sourire, elle s'allongea et regarda en haut, le ciel qui commençait à devenir foncé. Elle se sentait bien ainsi...
"Connais-tu les Marchombres?" fut la question qu'elle posa comme ça, sans préambule. Y aurait-elle pensé plus tôt, elle aurait demandé de voir son sabre à la jeune fille, mais elle commençait à manquer un peu de luminosité pour en apprécier pleinement ou pas les capacités... Tant pis.
Elle tourna finalement la tête vers Monaenn, peut-être en avait-elle assez de rester là comme ça ? Ou peut-être pas, pour Lanfear, c'était un peu tout comme, pas de l'indifférence, ni vraiment un ego surdéveloppé, juste un certain sentiment envers le genre humain en général...

Ayant entendu le nom de la femme à côté d'elle, Monaenn annonça :
- Je vais t'appeler FN. [Petit fainéantise de ma part]
Puis la question qui vint la fit froncer les sourcils.
- C'est...
Monaenn se força à réfléchir. Marchombre. Elle avait déjà entendu le mot quelque part. Elle essaya de s'en rappeler. Elle ferma les yeux... Le visage de la vieille femme lui revint en mémoire. C'était elle qui avait prononcé ce mot. À moins qu'elle n'ait dit "A Ombre" ? Il était difficile de retrouver les paroles de cette femme à l'accent si étrange. Elle se concentra et revit la dame pointer quelqu'un du doigt... Une forme sombre. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Ce "truc" était un marchombre.
- C'est cette forme noire que j'ai vu ce soir-là... répondit-elle.
Elle espérait que FN n'allait pas se moquer d'elle, car elle n'avait rien de mieux à répondre. D'ailleurs, elle ne savait pas pourquoi elle réagissait ainsi. Serait-ce sa bague, serrée au doigt ? Ou l'étrange FN qui semblait provoquer en Monaenn un malaise qu'elle ne pouvait expliquer ? Ou simplement une Piste pour trouver la Vérité ? Monaenn adorait les codes, mais ceux-là étaient compliqués. Elle réfléchit et un mot sorti de ses lèvres.
- Ker Ys...
Ker Ys... Keriss ! Elle comprit alors ce qu'était qu'un marchombre.
- C'est une profession, marchombre, n'est-ce pas ?

Oups, je n'avais pas vu ta réponse !

Durant ce silence, Monaenn observa les alentours. Paranoïaque depuis l'âge de neuf ans, elle ne pouvait supporter de ne pas trouver d'issue si jamais il lui arrivait quelque chose. Bien évidemment, sur un toit, tout était une issue et elle fut rassurée quand elle aperçut un petit temple, au loin, toujours allumé. Au moins, elle n'était pas la seule éveillée.
Mais le silence de sa voisine la gênait. Elle se demandait si elle ne se trouvait pas à côté d'un zombi ou d'une quelconque autre créature repoussante... bien que FN ne le soit pas ! Au contraire, en dehors de son silence, Monaenn la trouvait bien agréable...
En silence, ses lèvres chantèrent le très célèbre chant de la Gloire, un hymne que personne pourtant ne connaissait ici. Elle le chanterait et bientôt Gwendalavir chanterait avec elle.
Pour l'heure, elle était assise à côté de FN.

[navrée pour l'attente... je te présente mes plus plates excuses...]

Devant l'absence de réactions ou plutôt d'une action de Monaenn qui aurait pu exiger d'elle-même quoi que ce soit, Lanfear se mit à l'ignorer totalement. Monaenn était là, mais dans l'idée de Lanfear, elle aurait aussi bien pu ne pas y être ou qu'il y ait une centaine de personnes, cela ne changeait strictement rien. Comme à son habitude, seul comptait ce qui trottait dans son crâne...
Et pour donner davantage de précisions, elle se sentait si sereine que sa pensée pouvait se résumer à la surface d'un liquide sombre, lisse, et sans aucune ride. Dans ses yeux couleur d'émeraude qui reflétaient les étoiles qu'elle fixait ne passaient aucune lueur, rien qui laissa signifier qu'elle se trouvait 'vraiment' là.
Rien, sauf peut-être, si on se montrait extrêmement attentif, le petit ruissèlement de son quasi-inaudible qui coulait de ses lèvres à peine entrouvertes, avec une rapidité déconcertante. Cela aurait très bien pu être des phrases qu'elle aurait déclamées comme ça à tout va, mais non. C'était plutôt un chant, ou même une mélopée aurait dit les mélomanes, mais un chant empli de sonorités rauques pour la voix d'une jeune femme, avec comme des notes s'entrechoquant pour former des phases qui se suivaient et se mêlaient presque sans bruit.
Oui, c'était quelque chose comme ça, elle se sentait tellement sereine que son esprit s'exprimait au travers d'un son, d'un ensemble de son pour être exact.
Toujours égale à elle-même, elle ne se soucia guère que ce son puisse agacer quiconque, ou même la jeune femme qui était assise non loin d'elle. Égoïsme d'une égoïste notoire, ce n'était en aucun cas étonnant, n'est-il pas ?


[si jamais tu estimes qu'il doive se passer quelque chose, n'hésite pas ^^]

Lanfear l'avait aussi entendu, ce sifflement, et sa mélopée s'était tu dans l'instant. La question de Monaenn avait flotté jusqu'à ses oreilles, mais c'était exactement comme s'il ne s'était rien passé.
Oh que oui, pour avoir été quelques fois dans le pays raï pour sa guilde, elle avait croisé ce genre de créatures. Ce sifflement, elle l'aurait reconnu entre mille, et elle ne perdit pas de temps à parler.
Elle sauta immédiatement du toit pour rejoindre celui du bâtiment d'en face. Un regard en arrière ne lui permit pas de déceler si Monaenn la suivrait ou pas. Tant pis... ou peut-être tant mieux, elle ne savait même pas quelle option elle préférait. Au bout d'une bonne douzaine de toits parcourus à la va-vite en suivant la direction des cris, un hurlement d'agonie tout proche indiqua clairement qu'elle était arrivée à l'endroit où se trouvait l'espèce d'insecte-lézard géant.
Un air quasi extatique sue le visage, elle s'allongea sur le ventre sur un des toits qui bordaient la place ou sévissait le Ts'liche. Elle ne sentait pas vraiment le besoin d'aller aider les quelques personnes qui se trouvaient en bas. Son rôle se bornerait peut-être à admirer le tueur en pleine chasse. Ainsi donc, la rumeur courant parmi la guilde qui les disait détruits n'avait pas de fondements.
Elle ne se demanda même pas si elle bougerait s'il s'approchait d'elle. Entendant un petit bruit dans son dos, elle se retourna rapidement, pas inquiète pour un sou et écoutant les hurlements qui jaillissaient presque sous ses pieds...

[un Ts'liche, rien que ça xD]

Monaenn suivit Lanfear jusqu'à la place où se trouvait le Ts'lich. Elle tenta de garder l'allure de la mercenaire. Ses muscles des genoux s'étaient raidis, comme à chaque fois qu'elle s'asseyait, la ralentissant.
FN s'allongea sur le ventre pour regarder le Ts'lich. Monaenn s'arrêta près d'elle quelques secondes plus tard, reprenant son souffle difficilement. Elle se fatiguait si vite...
Un regard l'informa que la bête avait déjà déchiqueté la jeune femme et allait tenter de reproduire ce carnage avec un jeune homme terrifié.
Monaenn avait peur de sous-estimer la créature qui grognait un peu plus bas. Elle le savait puissant, mais ignorait jusqu'où ses pouvoirs s'étendaient.
Malgré sa peur grandissante, elle respira et, jetant un dernier coup d'oeil à la mercenaire allongée sur le toit, elle sauta dans la cour.
Le Ts'lich était à quelques pas du jeune homme. Bientôt, il allait le tuer. Monaenn ne voulait pas voir la mort frapper. Elle n'aimait pas tuer, mis à part les viles créatures qui pourrissaient la surface de la terre.
Elle s'avança donc et fit face à la bête Ts'lich.

[Oui, rien que ça... le tigre des plaines, c'est déjà fait ! ]

Le Ts'lich était mort, ou agonisant pour ce qu'elle en voyait. Voyant Monaenn s'élancer vers le petit garçon, Lanfear détourna les yeux, à la limite de l'écœurement. Elle ressentait l'impression d'avoir été spoliée, spoliée des morts humaine que promettait la bête, et spoliée de la mort qu'il lui aurait offert si un dessinateur n'était intervenu... �Était-ce Monaenn qui avait dessiné ce poignard et l'avait entrainé vers sa cible ? Elle n'avait pas l'air suffisamment vaillante, mais le Dessin était force de l'esprit, pour ce qu'elle en savait, donc...
Un éclair métallique passa dans son regard, devenu haineux, alors qu'elle démontait et rangeait son petit arc, prenant soin comme d'habitude des fléchettes à la pointe enduite de poison, car elle n'aurait pu laisser vivre la bête qui s'était approchée non loin d'elle ainsi, elle serait morte dans quelques heures, terrassée, si Monaenn ne s'en était occupée, sauvant la vie de plusieurs personnes...
Le lendemain, il y aurait au moins un petit garçon et un jeune homme qui verraient le soleil se lever, alors que le contraire avait été si probable, et suavement tentant. Se calmant, elle retourna au bord du toit, et chercha Monaenn des yeux. Elle voulait savoir si c'était elle qui avait dessiné.

[réponse un peu courte, mais j'ai un peu d mal à jouer Lanfear de mauvaise humeur en ce moment... mes plus plates excuses Monaenn...]

[Je suis désolée, j'ai un peu du mal à comprendre ce que j'avais écrit...]

Monaenn ne souvenait pas avoir été frappée. Elle espérait que son regard stupéfait convaincrait Lanfear. Puis elle se souvient du poignard.
- Je n'ai pas dessiné ce poignard, il est apparu comme par magie !
Elle espérait que ces mots cacheraient son ignorance totale du monde du Dessin. Elle se sentait d'ailleurs de plus en plus gênée et se demandait quel comportant adopter face à la mercenaire. Elle avait peur de se sentir trop nounouille [mot de mon invention. Un exemple : un film de Noël est nounouille]
- Ah, oui, ma quête ! Hum... Je ne crois pas que ça puisse en faire partie, mais autant parfaire son éducation tant qu'on le peut, non ?
*Tu es une idiote !* pensa-t-elle aussitôt. Elle avait certes beaucoup de choses à apprendre, mais elle savait qu'elle se trompait sur ce point : tuer un Ts'lich n'aura servi à rien, à part sauver des vies innocentes. Elle avait peur du sang.
- Je crois que je me sens fatiguée.
*Tu devrais être sûre !*
- Je vais essayer de me trouver une petite auberge, dans le coin, histoire d'aller dormir un peu. J'ai mal à la tête, aussi. Bonne nuit, FN. A demain.
Elle lui fit un petit signe de la main.

[Histoire de changer un peu d'air]

Pas Dessiné ? Magie ? Mais de quoi parlait-elle ? Elle n'avait pas ressenti le coup non plus ? Qui était-elle donc ? Son opinion sur la question variait pour l'instant entre la folie inconsciente et le style étrangère qui ne connait rien au pays... Elle se souvint de ce monde que seuls les dessinateurs pouvaient atteindre... Et où le Dessin n'existait pas vraiment en tant que tel... En venait-elle donc ? Mais quelle importance après tout. Et il restait toujours le mystère de cette quête... La jeune fille en elle-même était intéressante, et sa façon d'être encore plus. Peut-être la revoir encore une fois ou deux, puis après...

*La population doit mourir.*

Il y avait de ça dans son crâne, et aussi cette mission qui l'avait amenée à Al-Vor ce soir-là... Elle regarda la lune, devina l'heure approximative, et songea alors qu'elle était presque en retard. Monaenn partait déjà, et Lanfear lui lança à haute voix, un peu comme si elle se préoccupait de la jeune fille, même si elle ne s'en souciait un peu que par ce qu'elle pourrait peut-être lui apporté. Elle était égoïste, et femme, et Mercenaire du Chaos, et les trois en même temps, et cette jeune fille était intéressante, alors elle lui donna un conseil, oui elle, donna un conseil...

"Tu devrais quand même voir un rêveur avant d'aller dormir, même si tu ne t'en souviens pas, tu as pris un coup fort, et des séquelles gêneraient ta quête."
Elle n'avait pas d'autre idée pour que la jeune fille suive son conseil à moins de l'y mener elle-même, mais elle n'avait pas le temps. Elle rendit son signe de la main à Monaenn, et partit en courant dans la direction opposé.

Du sang l'attendait, et la Mort aussi, et elle aimait d'avance cette rencontre !